Quels sont les 15 plus beaux châteaux-forts des comtes et ducs de Savoie (deuxième partie)

Dans la première partie de notre articles, nous avions évoqué les châteaux d'Yverdon, de Chambéry, de Fossano, de Chazey-su-Ain, Chillon, Verceil (Vercelli), Morat et Suse. Nous allons ensuite compléter notre liste pour arriver à nos 15 châteaux.

Les édifices choisit sont des châteaux-forts entre le XIIe siècle et le XVIe siècle, c'est à dire pendant le Bas-moyen-âge, époque où les résidences seigneuriales ou princières sont fortifiés d'où leur nom de "château-fort". Ces châteaux sont aussi des possessions directes de la Maison de Savoie. Je présenterai ultérieurement dans un autre artcile les châteaux des grandes familles vassales de la Maison de Savoie comme les Miolans, les Grandsons, les Gruyères, les Challants, les Seyssel ou les La Chambre, .... 

château de Morges (photo E. Coux)

Le château de Morges est un exemple parfait du carré savoyard. Il ressemble fortement au château d'Yverdon. Pourtant, le château de Morges est postérieur au château d'Yverdon construit par Pierre II vers 1260. Le château de Morges et est construit en 1286 par Louis 1er de Savoie-Vaud. Celui-ci fonde en même temps, ex-nihilo, la ville neuve de Morges au bord du lac Léman. 

Le site est très bien choisit et c'est un très bon emplacement pour servir de port pour les denrées en partance vers le col de Jougne et pour concurrencer Lausanne. C'est surtout un formidable pied-à-terre sur le lac Léman pour le seigneur Louis1er de Vaud dont les possessions sont surtout la partie du bassin versant rhénan du Pays de Vaud (Yverdon, Moudon, ...). Il pourra ainsi faire pression sur son frère Amédée V de Savoie-Bresse pour avoir quelques autres places fortes autour du Léman. 

Morges deviendra un des châteaux préférés de la famille comtale quand Amédée VI rachètera la baronnie de Savoie-Vaud en 1356. Il est en effet, pas loin de Lausanne et surtout en face de Thonon-Ripaille où Bonne de Bourbon construit un immense palais. Sous Amédée VIII, Morges, Thonon et Lausanne seront considéré comme le triangle centrale du duché de Savoie (comme le rappelle l'historien Guido Castelnuovo). Le château est le siège d'un magnifique musée.

le château d'Annecy (photo E. Coux)

Le château d'Annecy est un des monuments les plus représentatifs de la ville d'Annecy. Ce château est construit par les comtes de Genève est agrandit par eux pour être le centre de leur capitale. Le château va être restauré entre 1428 et 1432 par le duc de Savoie bien après le passage du comté de Genève dans les mains du duc de Savoie. 

Annecy et le genevois deviendront rapidement un apanage pour les cadets de la Maison de Savoie. Ils y ajouteront chacun leurs modifications. Les logis "Nemours" en belles pierres de tailles sont les plus exceptionnelles. Est aussi à mentionner la belle "Aula" ou grande salles qui a de grandes dimensions. Le château est aussi le siège d'un musée. 

château d'Estavayer-le-lac (Photo E. Coux)

Le château d'Estavayer-le-lac se dresse majestueusement sur le lac de Neuchâtel. Estavayer était devenu au début du XV e siècle, le centre d'un apanage d'un bâtard de la Maison de Savoie Humbert de Savoie demi-frère ainé d'Amédée VIII.  Ce bâtard qui avait été en croisade lors de la malheureuse expédition de Nicosie avait semble-t-il l'admiration de son demi-frère. 

Cet apanage comprenait les châtellenies de Cudrefin, Grandcour Cerlier, Corbière, Montagny, Morat et Romont, soit une bonne partie du Pays de Vaud. Cette position géographique était devenue très stratégique quand un nouveau concile œcuménique de l'église catholique prit place dans la ville de Bâle en 1431. Et plus encore quand le duc Amédée VIII devint pape dans cette ville en 1439. Il est curieux de voir que le nouveau pape se replie de Bale à Lausanne en 1442/43 quand meurt son demi-frère. 

Le château est aussi un exemple du style alors à la mode entre la fin du XIVe siècle et le début du XV e siècle importé du Piémont et utilisant la brique comme matériau. Style que l'on retrouve dans les châteaux de la Sarraz, de Vulffens et du château saint-Maire de Lausanne. Il est possible de visiter la cour du château. La visite du château doit s'accompagner de la visite de la très belle ville d'Estavayer-le-lac. 

Le château d'Ivrée (photo E. Coux)

Le château d'Ivrée construit à partir de 1357 est le château de la Maison de Savoie le plus important du Piémont du Nord-Ouest. C'est un carré savoyard typique comme les château d'Yverdon et de Morges. Son rôle comme la grande majorité des châteaux urbains est de surveiller la population et de présenter un rapport de force avec les autres factions politiques et les autres seigneurs. 

Le château d'Ivrée est la représentation du rapport de force avec l'évêque de la ville et la commune. En effet, les tours du château sont plus hautes que les clochers de la cathédrale voisine. Et le château est en position plus élevée que la Maison de la commune située au sommet d'une colline voisine.

Le château d'Ivrée institue en outre un rapport de force régional avec les grandes puissance voisines. C'est à la même époque environ que le Marquis de Montferrat finit de construire son château de Casale-Monferrato qui deviendra la capitale du Marquisat au XV e siècle et aussi en 1360 que les Visconti construisirent leur grand château de Milan.  Le château est en restauration. Il est possible de visiter la cathédrale adjacente qui vient d'être restaurée.

Château de saint Quentin-Fallavier (Photo E. Coux)

Le château de Fallavier près de Lyon, est le souvenir de l'ancien bailliage du Viennois qui a été échangé en 1355 contre d'autres terres dauphinoises dont le Faucigny. C'est dans ce château que l'on a trouvé les premiers comptes de châtellenie en 1447-48. 

C'est aussi le souvenir de l'ambition des comtes Pierre et Philippe vers les villes de Lyon et de Vienne. Ces villes étaient avec Lausanne, Besançon et Arles, les villes principales de l'ancien royaume de Bourgogne (qui n'avait rien à voir avec la Bourgogne actuelle). Ce royaume qui avait été rattaché au Saint Empire Romain Germanique en 1032 avait encore repris une certaine importance en 1244 quand le Pape Innocent IV décide de s'y réfugier.

En effet, celui-ci en conflit avec l'Empereur Frédéric II Hohenstauffen va convoquer dans cette ville un grand concile œcuménique (1er concile de Lyon) qui provoqua la victoire du pape sur l'Empereur et le "Grand interrègne". C'est en s'occupant de la sécurité militaire du Pape et avec l'aide de son frère le futur Pierre II que le futur comte de Savoie de Philippe 1er va accroitre son pouvoir.

C'est donc dans le Viennois que le comte Philippe 1er installa son château principal, entre Lyon et Vienne, à Saint Georges d'Espéranche. Le château de Fallavier avec la Maison forte voisine des Allinges est un extraordinaire vestige d'une implantation castrale savoyarde dans le paysage. Le comte Philippe 1er après avoir eu d'extraordinaire pouvoir ecclésiastique à Lyon (équivalent de l'archevêque) et à Vienne (doyen du chapitre) était devenu comte de Bourgogne (Franche-Comté) et Savoie. Il avait aussi sous tutelle la Bresse. Mais son pouvoir déclina lors du deuxième concile œcuménique de Lyon qui vit renaître l'Empire et qui vit la réconciliation entre l'Empereur Rodolphe de Habsbourg et le pape Grégoire X en 1275. Le site du château a été transformé en parc par la ville de Fallavier. 

le château de Pierre-Châtel (Photo E. Coux)

Le château de Pierre-Châtel entre Yenne et Belley, est une des forteresses les plus anciennes qui a appartenu à la Maison de Savoie. On ne connaît cependant pas grand chose de son origine. Le château est très bien situé à la fois pour contrôler la navigation sur le Rhône mais aussi la grande Route qui va de Rome aux foires de Champagne.

Le château dépend de la baronnie de Savoie Vaud entre 1285 et 1356. Il semble que ce soit le centre de la partie du Valromey de l'apanage comme en témoigne l'atelier monétaire créé par Louis II de Vaud. 

Mais Pierre-Chatel prendra toute sa dimension lorsque Amédée VI fonda dans le château en 1383 une chartreuse pour qu'elle soit le siège de l'Ordre chevaleresque du Collier ; Ordre qui deviendra l'Ordre de l'Annonicade en 1518. C'est malheureusement un site privé qui ne se visite qu'exceptionnellement. 

Le château de Porte Fibelonne, aujourd'hui Palais Madame (Photo E. Coux)

Le château de Porte Fibelonne est le premier château de la Maison de Savoie à Turin. Cette ville qui avait été momentanément acquise par Amédée III au XIIe siècle, le deviendra réellement en 1280 grâce à Thomas III, le frère ainé d'Amédée V. 

C'est son fils Philippe 1er de Savoie-Achaïe qui construisit le château à partir d'un morceau de la Porte romaine de la ville. Le château, placé sur le mur d'enceinte mais à l'extérieur de la ville avait le même rôle que tous les château urbain : imposer un rapport de force dans la ville. Si bien que ses fortifications seront renforcées du côté de la ville et non du côté campagne. le prince d'Achaïe construira même deux tours carrés pour renforcer les deux tour rondes romaines. Ce qui donnera un château asymétrique (les deux autres tours sur les angles extérieurs seront construites plus tard).

Cette situation ne changera pas en 1418 quand la Maison de Savoie héritera de l'apanage des Savoie-Achaïe. Le duc Amédée VIII fera monter dans le château deux bombardes dirigées constamment contre la ville. 

Le château deviendra ensuite avec l'ancien palais épiscopal devenu palais ducal une partie du centre de commandement quand Turin devint capitale de la Savoie en 1563. Il prendra ensuite le nom de Palais Madame. C'est aujourd'hui le siège du musée de Turin. 

Carte d'implantation des châteaux (carte E. Coux)

Evidemment cette liste est loin d'être exhaustive. Nous aurions bien aimé rajouter le château de la Batiaz près de Martigny, le château de Saillon dans le Valais, le château de Châtel-Argent dans le val d'Aoste, les château de Romont, Nyon, Rolle, de la Tour-de-Peilz, d'Aigle dans le Pays de Vaud ou le château des Allinges en Chablais. 

Château d'Estavayer (photo E. Coux)