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Flanerie-historique-dans-l-ancien-duche-de-Savoie.over-blog.com

Les articles proposent une flanerie historique dans les anciennes terres des ducs de Savoie, c'est à dire l'Ain actuel, les départements de Savoie et de haute Savoie, les Alpes Maritimes, le Piémont et la Suisse romande. L'objectif est de faire coincider l'histoire et le patrimoine existant

L'abbaye d'Ambronay, un pôle de la Maison de Savoie entre la Bresse et le Bugey

L'abbaye d'Ambronay, un pôle de la Maison de Savoie entre la Bresse et le Bugey

Un des plus monuments les plus importants de l’histoire de Savoie est l’Abbaye d’Ambronay située dans le département de l’Ain à la limite entre la Bresse et le Bugey.

 

C’est une très vieille abbaye fondée à la fin du VIII e siècle probablement pour affirmer la domination du siège épiscopal de Lyon dans cette région à une époque légèrement postérieure à la constitution de la province épiscopale de Besançon.

 

C’est aussi encore de nos jours une abbaye très bien conservée, même si il ne reste plus rien du VIII e siècle. Elle conserve par contre de magnifiques vestiges romans et gothiques flamboyants que je me propose de vous faire découvrir.

 

Après avoir démontré le rôle de l’abbaye dans la construction de l’état savoyard, et bien sûr l’importance de la Bresse et du Bugey comme provinces savoyardes, je vous propose une courte visite de l’abbaye,

 

1- rôle de l’abbaye d’Ambronay dans la construction de l’état savoyard

Afin de comprendre le rôle de l’Abbaye d’Ambronay dans l’histoire de Savoie, il convient de se rappeler que la Savoie comme entité politique s’est construite depuis le XII e siècle, sur la route commerciale entre Gênes et les foires de Champagne, et notamment sur les itinéraires passant par les cols du Mont-Cenis et du Grand-Saint-Bernard.

Différentes routes entre Gênes et les foires de Champagnes et de Chalon-sur-Saône (carte E. Coux)

Différentes routes entre Gênes et les foires de Champagnes et de Chalon-sur-Saône (carte E. Coux)

À la fin du XIII e siècle, probablement en lien avec la guerre contre le Dauphiné et l’acquisition récente de la Bresse par le comte de Savoie en 1272, se met en place une route alternative entre 1282 et 1290, une sorte de raccourci qui évite Lyon et passe par le Bugey et la Bresse.

 

Sur ce trajet, il y a cependant une difficulté, c’est la plaine de l’Ain qui est un vaste espace qui sépare les territoires savoyards de Bresse et du Bugey.

 

La plaine de l’Ain non seulement appartient au Dauphin qui est l’ennemi du comte de Savoie, mais est aussi un territoire indispensable aux alliés du Dauphin, le seigneur de Thoire-et-Villars et le comte de Genève.

 

La plaine de l’Ain faisait partie de l’ancienne manche de Coligny, un territoire qui séparait en deux l’actuel département de l’Ain dans le sens Nord-Sud. Ce territoire, à la fin de la Maison de Coligny échoua par héritage à la famille de la Tour-du-Pin qui devint aussi en 1285, Dauphin du Viennois.

 

Le comté de Savoie au XIV e siècle et les différentes routes commerciales entre Gênes et les foires de Champagne et de Chalon-sur-Saône (carte E. Coux)

Le comté de Savoie au XIV e siècle et les différentes routes commerciales entre Gênes et les foires de Champagne et de Chalon-sur-Saône (carte E. Coux)

Ce territoire servait aussi pour le seigneur de Thoire-et-Villars à relier les possessions de Villars en Dombes avec les possessions de Thoire situées dans le Haut Bugey.

 

Le comte de Genève possèdait quand à lui le château et la seigneurie de Varey dans la plaine de l’Ain ; seigneurie qui touche les terres de l’abbaye d’Ambronay.

château de Varey près duquel a eu lieu la bataille de Varey en 1325 (photo E. Coux)

château de Varey près duquel a eu lieu la bataille de Varey en 1325 (photo E. Coux)

Dans ce climat très tendu qui va dégénérer en guerre, le comte de Savoie va réussir un coup exceptionnel : rallier dès 1282 dans son camp l’abbaye d’Ambronay qui se situe en plein milieu de cette plaine.

 

De ce fait, l’abbaye d’Ambronay deviendra un élément central dans la stratégie du comte de Savoie pour conquérir la plaine de l’Ain.

 

Il va notamment renforcer ses fortifications en construisant les tours Dauphines et des archives qui existent toujours.

 

Il va aussi construire un immense fossé entre l’abbaye d’Ambronay et la rivière de l’Ain renforcé par un fortin, la bâtie de Gironville qui est aujourd’hui connue sous le nom de fort des Sarrasins.

 

Même si le comte de Savoie est vaincu à la bataille de Varey en 1325, l’annexion de la plaine de l’Ain sera effective en 1334 avec le traité de Chapareillan entre le Dauphin et le comte de Savoie.

 

Plaine de l'Ain au XIV e siècle. (carte E. Coux)

Plaine de l'Ain au XIV e siècle. (carte E. Coux)

Après cette date, non seulement l’abbaye d’Ambronay conserva son rôle militaire mais elle continua à être un instrument politique de la Maison de Savoie, notamment à travers ses prieurés, dont celui de Brou qui était le chef-lieu de la paroisse de Bourg-en-Bresse.

 

Le titre d’abbé d’Ambronay fut toujours donné à d’éminents personnages de la cour de Savoie qui cumulaient les fonctions notamment celles d’évêques de Maurienne ou d’évêques de Bourg-en-Bresse lors de son éphémère existence.

 

Avec l’annexion de la Bresse et du Bugey à la France au XVII e siècle, le roi de ce pays, réforma l’abbaye afin de remplacer les moines bénédictins conventuels favorables au ducs de Savoie par des moines venus de la congrégation de Saint Maure, et ainsi éliminer des moines très proches de ce duc.

Site actuel de la bâtie de Gironville

Site actuel de la bâtie de Gironville

2- La richesse architecturale de l’abbaye

 

Cette abbaye conserve de nombreux éléments du moyen-âge comme son magnifique portail roman. L’aspect de l’église, assez hétérogène provient du fait que les programmes de reconstruction n’ont pas été achevés. C’est ce qui nous permet encore aujourd’hui de pouvoir admirer les parties romanes (parce que non détruites pour être remplacées par des éléments gothiques ou post-gothiques).

 

Le chœur par contre a été complètement reconstruit au XV e siècle en style gothique flamboyant. Il faut voir dans cette reconstruction, une sorte de mécénat intéressé de l’abbé de Monvoisin qui fit construire son mausolée dans une chapelle accolée au chœur.

 

Un autre abbé fit de grands travaux à la fin du XV e siècle, Étienne de Morel qui reconstruit le cloître. Ce cloître se rapproche d’un point de vue du style des cloîtres de Brou et d’Abbondance dans le Chablais.

cloître de l'abbaye d'Ambronay (Photo E. Coux)

cloître de l'abbaye d'Ambronay (Photo E. Coux)

Étienne de Morel fut aussi curé de Coligny (qui était le siège d’un archiprêtré du diocèse de Lyon) et évêque de Maurienne. Il reconstruisit les chœurs de ces deux édifices. C’est aussi à lui qu’il faut attribuer les stalles de la cathédrale de Maurienne.

 

L’abbaye d’Ambronay et l’évêché de Maurienne passèrent ensuite à Louis de Gorrevod qui devient aussi en 1515 évêque de Bourg-en-Bresse et en 1530 cardinal.

 

L’abbaye d’Ambronay possède aussi une magnifique salle capitulaire. Notons qu’il est très rare d’en voir d’aussi bien conservées. La salle capitulaire était la salle où se réunissaient les moines pour prendre les décisions politiques concernant l’abbaye.

 

Elle possède aussi un très beau palais abbatial qui se trouve au Nord de l’église abbatiale. C’est un palais avec trois ailes autour d’une cour et une tour d’escalier dans un des angles. Ce palais ressemble de fait aux résidences nobles du XV e siècle.

Vue de la cour du Palais abbatial et de la tour d'escalier(photo E. Coux)

Vue de la cour du Palais abbatial et de la tour d'escalier(photo E. Coux)

Conclusion :

 

L’importance des vestiges de cette abbaye en fait une des plus complètes et des plus intéressantes de l’espace historique savoyard. C’est donc dommage de ne pas voir figurer sur les documents touristiques son rôle historique auprès de la Maison de Savoie.

 

Il serait aussi intéressant de la replacer dans son environnement d’autant qu’il reste de nombreux vestiges de la guerre delphino savoyarde du XIV e siècle, comme la bâtie des Allymes, le château de Saint-Germain-d’Ambérieu, le château de Saint-André -sur-Suran, la ville de Pont d’Ain, le château de Varey, ou château Gaillard.

 

Cependant l’importance des reconstructions au XV e siècle suggère qu’elle a joué aussi un rôle stratégique, plus pacifique, dans le contrôle de la route entre Lyon et Genève, lors de l’apogée des foires de Genève dès 1390 et de Lyon dès 1463.

 

Cette position entre Lyon et Genève pourrait aussi nous suggérer qu’Ambronay fut importante à l’époque Burgonde. Proche du lieu de leur grande réunion ou peut être était-ce le lieu de réunion des Burgondes ?

 

C’est ce qui pourrait expliquer la fondation à la fin du VIII e siècle, d’un monastère en ce lieu, peut être pour exorciser complètement un autre lieu de culte chrétien arien homérien qui fut probablement important pour le peuple burgonde. Trouverons nous en dessous de l’abbatiale actuelle des vestiges d’une cathédrale burgonde ?

 

Emmanuel Coux, 2020

Une des tours fortifiées de l'abbaye (photo E. Coux)

Une des tours fortifiées de l'abbaye (photo E. Coux)

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