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Flanerie-historique-dans-l-ancien-duche-de-Savoie.over-blog.com

Les articles proposent une flanerie historique dans les anciennes terres des ducs de Savoie, c'est à dire l'Ain actuel, les départements de Savoie et de haute Savoie, les Alpes Maritimes, le Piémont et la Suisse romande. L'objectif est de faire coincider l'histoire et le patrimoine existant

Le riz une culture méconnue des anciens États de Savoie

cloître de sant Andrea à Verceil

cloître de sant Andrea à Verceil

La sécheresse de ces derniers mois risque d’affecter une des plus grandes productions alimentaires européennes, celle du riz dans la plaine du Pô. En effet, la région entre Verceil, Novare, et la Lomeline, anciennes provinces des États de Savoie, est la plus grosse productrice de riz en Italie qui est elle-même la plus grosse productrice de riz en Europe.

 

Elle l’est d’abord grâce à ces conditions naturelles, celle d’être abreuvée par le plus grand réservoir d’eau, les Alpes, grâce à la fonte des neiges. Malheureusement, les grosses pluies qui viennent de provoquer des inondations en Émilie-Romagne ne renverseront pas la situation de sécheresse. C’est trop de pluies d’un coup, ce qui provoque des inondations certes, mais une eau qui n’a pas le temps de rentrer dans les sols et d’être stockée.

 

La présence de cette production nous amène à nous poser plusieurs questions. La première est évidemment comment a émergé cette culture qui est à l’origine étrangère à l’Europe. Quelles sont les processus à la fois technique, mais aussi sociologique (en incluant la façon d’habiter et l’évolution de l’habitat) qui a permis cette émergence. Elle nous amène aussi à nous poser la question de l’alimentation dans les États de Savoie avant 1860.

château des ducs de Milan puis des ducs de Savoie à Verceil (photo E. Coux)

château des ducs de Milan puis des ducs de Savoie à Verceil (photo E. Coux)

La dernière question est la plus facile à répondre malgré une image d’Épinal très liée au fromage. Les plats liées au maïs et au riz étaient très présents dans l’alimentation. Même après 1860, comme en témoigne encore le bâtiment à Modane qui a un aspect de temple romain. Ce bâtiment sert aujourd’hui de musée au Lyon-Turin. Il servait autrefois à stocker le riz en provenance du Piémont.

 

L’essor de la culture de riz et la massification de sa production est une question plus difficile. Elle se comprend au niveau géographique, car avant d’être des rizeraies, ces terres ont été des marécages. Mais au niveau historique, on est là aussi assailli de récits romantiques comme celui qui ferait des moines de l’abbaye cistercienne de Lucedio, les inventeurs de cette culture. Même si on pense que cette culture a été introduite effectivement au début du bas moyen-âge.

 

Il se pourrait que l’apparition de cette culture ait été à la fois plus diffuse dans la plaine du Pô, et aussi liée à de grands centres comme Milan (qui a été un centre culturel, d’échange et économique de première importance au moyen-âge). Les agriculteurs qui travaillaient pour les moines de l’abbaye de Chiaravalle (près de Milan) ont été pionniers dans beaucoup de techniques agricoles (même si là aussi, il faudrait requestionner le mythe cistercien lié à l’amélioration des techniques agricoles).

l'abbaye de Sant'Andrea à Verceil a probablement grâce à son foncier été un moteur du développement du riz (photo E. Coux)

l'abbaye de Sant'Andrea à Verceil a probablement grâce à son foncier été un moteur du développement du riz (photo E. Coux)

Cependant l’aspect cultural du riz nécessite une organisation assez spéciale pour sa production. Une organisation quasi industrielle. L’apparition de cette culture est liée à l’apparition de ferme de type latifundiaire, avec des paysans faisant des tâches plutôt répétitives dans des conditions très difficiles. C’est une condition que l’on trouvait plutôt dans les fermes de l’époque romaine avec une main d’œuvre servile, et pas tellement au moyen-âge.

 

Ces grandes fermes apparaissent dans la plaine vercelloise et de lomeline peut être à la fin du XIVe, mais surtout au XVe siècle. Et l’agriculture du riz est attestée à la fin du XVe et à l’époque moderne. On trouve aussi des attestations de cette culture par les désagréments qu’elle engendre, notamment les moustiques. Ce qui engendre une législation particulière et isole cette culture de l’habitat.

 

D’ailleurs, la main d’oeuvre est surtout saisonnière, ce qui renforce le lien avec les Alpes, puisque que, comme pour l’eau, c’est de là qu’elle provient.

 

En tous cas, on a une agriculture assez forte à la fin de l’époque moderne pour qu’à l’époque contemporaine, elle pousse à consacrer d’énormes efforts pour accélérer sa production et sa productivité. C’est d’abord la mise en place de grands travaux, notamment de canalisation. Ces grands travaux ne sont pas nouveaux. Ils sont attestés depuis la fin du moyen-âge. On peut citer ceux promus par le duc Amédée VIII puis le Naviglio d’Ivrea promu par la duchesse de Savoie Yolande de Valois vers 1472. Mais au XIXe siècle, ils prennent des proportions monumentales comme le canal Cavour inauguré en 1866.

Naviglio d'Ivrea (carte Emmanuel Coux)

Naviglio d'Ivrea (carte Emmanuel Coux)

C’est aussi au XIXe siècle l’utilisation croisée de découvertes, d’amélioration techniques comme la mise en place du réseau ferré, et d’agrandissement territoriale (la main mise sur le port de Gênes). Les découvertes, c’est l’amélioration des rendements agricoles grâce à des nouveaux engrais notamment le Guano.

 

Le guano vient du Pérou. Son utilisation ne fut possible que grâce à la possession d’un port de niveau international comme Gênes avec une marine marchande pouvant naviguer sur tous le globe. Son acheminement à grande échelle de Gênes à Verceil a été possible aussi grâce à la mise en place du réseau de chemin de fer entre 1850 et 1860.

 

La production de riz répond donc à une sorte d’industrialisation et de mondialisation de l’agriculture et de l’alimentation. Les intrants viennent de l’autre bout de la planète et la culture elle-même suit une sorte de taylorisme dans les tâches. Et la consommation n’est pas locale, mais destinée à être exportée, d’abord pour le marché national dans les États de Savoie puis l’Italie (après 1861), mais aussi plus loin, grâce au réseau de chemin de fer, mais aussi au port international de Gênes.

Emmanuel Coux

2018

 

le réseau de chemin de fer dans les états de Savoie avant 1860 (carte modifiée par Emmanuel Coux)

le réseau de chemin de fer dans les états de Savoie avant 1860 (carte modifiée par Emmanuel Coux)

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