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Flanerie-historique-dans-l-ancien-duche-de-Savoie.over-blog.com

Les articles proposent une flanerie historique dans les anciennes terres des ducs de Savoie, c'est à dire l'Ain actuel, les départements de Savoie et de haute Savoie, les Alpes Maritimes, le Piémont et la Suisse romande. L'objectif est de faire coincider l'histoire et le patrimoine existant

Les ateliers monétaires comme reflet des centres politiques et économiques de la Savoie au Moyen-âge.

il y avait à Nyon, un atelier monétaire important (photo E Coux)

il y avait à Nyon, un atelier monétaire important (photo E Coux)

L'étude de la numismatique est très intéressante pour nous donner plusieurs indications sur la principauté savoyarde sur ses mutations géo-économiques et géo-politiques. Pendant une grande partie de la construction de cette principauté, les centres sont d'autant plus floues que les comtes de Savoie ne posséderont pas les cités épiscopales qui elles-mêmes forment des principautés autour de leurs évêques, du moins jusqu'au vicariat impérial accordé par l'Empereur. De façon à avoir une vision globale de l'évolution de la principauté savoyarde, nous étudierons surtout l'évolution de ses ateliers monétaires, avec leur création, leur fermeture ou leur suspension sur une période de 500 ans qui va de Humbert II (environ 1100), au traité de Lyon en 1601, une période qui traite tout le bas-moyen-âge jusqu'à l'époque moderne.

Pour réaliser notre étude, nous ne chercherons pas l'exemplaire de pièce, rare et introuvable, mais au contraire, nous nous appuierons sur les exemplaires les plus courants. Nous ne connaissons malheureusement pas le nombre d'exemplaires qui ont été frappés de chaque monnaie (comme dans les frappes contemporaines). Nous nous fierons, et cela est imparfait, à la valeur numismatique de la pièce en espérant qu'elle reflète évidemment son abondance ou sa rareté. 

Nous ne nous m'attaquerons pas non plus à une étude sur la valeur comparée des systèmes monétaires, mais nous différencierons seulement la valeur des pièces en utilisant simplement leur métaux, or, argent ou petite monnaie courante.

Ce différentiel de métaux m'indiquera, bien sûr, l'utilisation de la monnaie. Nous comprenons que pour payer le marché local, la pièce d'or est inutile alors qu'elle est nécessaire pour échanger une grande quantité de biens, des articles luxueux ou servir de monnaie de référence dans une foire internationale.

La source principale que j'utiliserai est « Monete di casa Savoia », de Bobba editore 1978 1, qui n'intègre pas toutes les raretés numismatiques ou les dernières trouvailles, mais justement a répertorié les exemplaires les plus courants.

1  Cesare Bobba, Monete di casa savoia, Bobba editore, 1978, Asti, 2nd étition.

Il y avait à Bourg en Bresse, un atelier monétaire (Photo E. Coux)

Il y avait à Bourg en Bresse, un atelier monétaire (Photo E. Coux)

Avant toute chose, une première remarque doit être faite : de 1100 à 1600, nous pouvons relever trois phases. La première est celle qui part des origines et qui va jusqu'à Thomas 1er incluse. Cette période est caractérisée par la présence d'un seul atelier monétaire, celui de Suse.

La deuxième période, va de Amédée IV à Amédée VIII, soit de 1230 environ à 1450. Cette période est caractérisée par la dispersion des ateliers monétaires sur le territoire sans logique apparente. Enfin, la troisième période concentre les ateliers monétaires sur quelques grandes villes qui semblent être les poumons économiques du duché : Chambéry, Genève, Bourg en Bresse et Turin, avec la brève apparition de Montluel qui semble être un centre beaucoup plus important au XVI e siècle qu'il l'est aujourd'hui.

La période d'Emmanuel Philibert, va donner au Piémont d'autres ateliers comme Asti, Verceil, Aoste et Nice.

 

La Casa Bartholomei à Suse reflète bien la richesse de cette ville au XIII e siècle

La Casa Bartholomei à Suse reflète bien la richesse de cette ville au XIII e siècle

La première période nous montre paradoxalement que la ville de Suse est plus importante que ce qu'en relève généralement l'historiographie. Bien sûr cet atelier monétaire nous rappelle que le comte de Maurienne, puis de Savoie était d'abord le portier des Alpes ; et qu'à ce titre, il tenait la route du Mont-Cenis. Mais Suse est aussi sur la route du Montgenèvre, ce qui peut expliquer cet atelier monétaire.

Nous pouvons évidemment faire le lien avec l'atelier monétaire manqué d'Aiguebelle. Les pièce qui en sortaient semblaient être des faux, car l'archevêque de Vienne s'en plaint. C'est qu'à cette époque, l'archevêque de Vienne et celui de Lyon semble être les seules autorisés à créer de la monnaie dans cette partie du royaume de Bourgogne.

La basse vallée de Suse semble être un endroit à part, ni dans le royaume d'Italie puisque la vallée est revendiquée par l'évêque de Maurienne, ni formellement dans le royaume de Bourgogne. Le comte de Savoie semble être le seul souverain dans cette vallée malgré le nombre de pouvoir abbatiaux très important dans cette vallée qui auraient pu revendiquer la frappe de monnaie (abbaye de la Novalaise, abbaye de Saint Juste de Suse, abbaye de Saint-Michel-de-la-Cluse et prévôté de Saint-Laurent-d'Oulx principalement).

Est ce que le comté de Savoie s'est construit, grâce à cet atelier monétaire qui permettait de maîtriser l'économie des passages (paiement du péage, paiement des personnes aidant aux passage des montagnes, mais aussi économie interne et externe de la ville de Suse)? Les maisons nobles du XII e siècle et l'installation d'un couvent de franciscain au début du XIII e siècle montre que cette ville avait un certain relief économique.

Il y a eu à Saint Maurice, un atelier monétaire. (Photo E. Coux)

Il y a eu à Saint Maurice, un atelier monétaire. (Photo E. Coux)

A partir d'Amédée IV, on assiste à une augmentation des ateliers monétaires avec un autre atelier dans la vallée de Suse, à Avigliana, un autre à Saint Maurice d'Agaune et enfin à la naissance de l'atelier de Chambéry. Ces ateliers monétaires correspondent aux trois honneurs de la Savoie, le marquisat de Suse, le Chablais. Nous sommes cependant surpris par la proximité de Suse et d'Avigliana.

Saint Maurice d'Agaune correspond aussi aux passages du commerce international du Simplon et du Grand Saint Bernard qui commencent à concurrencer le Mont Cenis au début du XIII e siècle. Nous pouvons aussi remarquer l'atelier de Chambéry qui s'ouvre dans la continuation, après que Thomas 1er à acheté la ville en 1232. Cette ville semble décoller économiquement puisqu'elle accueille un couvent de franciscain au début du XIIIe siècle et semble intéresser la maison de Savoie. L'atelier semble être un jalon dans la construction d'une capitale,

L'attrait du bassin rhodanien et son ambition est bien marqué par Philippe qui ouvre un atelier monétaire à Saint Symphorien d'Ozon, ville entre les deux capitales ecclésiastiques que sont Vienne et Lyon. Cet atelier fonctionnera jusqu'au traité de Paris de 1355. Le Rhône, à partir du début du XIVe siècle et l'installation de la papauté en Avignon, redevient un axe économique.

Au XIV e siècle les rameaux de Vaud et d'Acaie vont ouvrir des ateliers à Nyons, à Pierre-Châtel, à Turin et à Pignerol. Les Terres du seigneurs de Vaud étaient le pays de Vaud en Suisse romande actuelle et le Valromey dans l'Ain d'où les ateliers de Nyon, pour Vaud et Pierre-Châtel, pour le bloc de châtellenies liées au Valromey.

 

Pierre-Châtel a été un atelier monétaire sous Louis II de Savoie-Vaud et sous Amédée VI

Pierre-Châtel a été un atelier monétaire sous Louis II de Savoie-Vaud et sous Amédée VI

Aymon, lui va ouvrir quatre ateliers importants et couvrir ainsi son territoire, à Saint Genix-sur-Guiers, à Donnaz (dans le Val d'Aoste), à Pont-d'Ain et à Bourg-en-Bresse. Nous pouvons déjàconstater la proximité des ateliers de Pont d'Ain et de Bourg en Bresse.

Amédée VI va continuer ses ateliers monétaires et reprendre ceux de Nyons et de Pierre-Châtel car il a racheté la baronnie de Vaud. La région de Saint Genix sur Guiers et Pierre-Châtel semble être importante puisqu'il ouvre un autre atelier à Yenne. C'est d'ailleurs à Saint Genix-sur-Guiers et à Pont d'Ain que sont frappées les première monnaies d'or de la Savoie : le florin d'or. Cette monnaie peut représenter deux choses : la première, c'est l'accroissement de la puissance économique de la Savoie et la seconde, c'est l'augmentation du prestige du comte de Savoie qui devient vicaire de l'Empereur du Saint Empire Romain Germanique. Nous ne connaissons pas la raison de l'importance de ces ateliers dans l'avant pays savoyard, mais nous pouvons les relier à la création de la chartreuse de Pierre-Châtel en 1383. A cette époque, ces lieux semblaient être importants.

Amédée VII abandonnera les ateliers de Saint genix-sur-Guiers, Pierre-Châtel et Yenne. Nous ne savons pas plus le pourquoi de cet abandon que l'essor de ces places quelques décennies plus tôt. Les monnaies d'or seront frappées à Suse, Avigliana et Nyon. Elles se diversifient signe d'un développement du grand marché seul succesptible d'utiliser ces monnaies fortes. Il y aura deux sortes de florins et un écu d'or.

Amédée VIII ouvrira lui les ateliers d'Aoste et d'Ivrée. Il se peut que ces ateliers proviennent du déplacement de celui de Donnaz qui ne semble pas avoir fonctionné sous Amédée VI et VII ou marginalement. Le poids des ateliers de Chambéry et de Nyon est prépondérant dans la frappe des monnaies. Nous savons qu'Amédée VIII a privilégié sa capitale et l'a embellit (Construction de la Sainte Chapelle et du couvent des dominicains) et Genève devient un centre éconmique majeur grâce à ces foires. La cour réside en plus autour du lac Léman, d'où le poids de l'atelier de Nyon . Il reprend aussi l'atelier de Turin après l'héritage des Acaie.

Après 1416, il fait frapper un ducat d'or qui semble servir de monnaie de référence internationale aux marchands dans les foires de Genève. Cette fonction semble être primordiale puisque le soucie premier du duc est de limiter l'inflation de sa monnaie en garantissant un poids constant de métaux précieux dans ses monnaies qu'elles soient d'or ou d'argent.  

château de Pierre-Châtel (entrée) où était installé l'atelier monétaire (Photo E. Coux)

château de Pierre-Châtel (entrée) où était installé l'atelier monétaire (Photo E. Coux)

La troisième période est à mon avis la plus intéressante. Cette période semble faire coïncider les lieux de productions monétaires avec celui des villes dynamiques du point de vue économique. Petit à petit vont émerger Genève, Chambéry, Bourg en Bresse, Turin et Nice. Le duc de Savoie Louis 1er va simplifier le nombre de lieu de production de monnaie pour ne garder que trois centres : celui de Turin, remettre en fonction celui de Bourg-en-Bresse et créer le nouvel atelier de Genève (à Cornavin à la place de la gare actuelle). Et à cette époque, Genève est devenu le centre économique de la Savoie à cause de ses foires. Son fils, Amédée IX, fera la même chose.

Sous Philibert 1er, l'atelier de Chambéry sera réactivé en plus des autres. La réactivation de cet atelier montre un nouvel essor économique dans cette ville. Les nouvelles foires de Lyon qui concurrencent celles de Genève font de Chambéry, une ville de Transit entre Turin et Lyon. Chambéry va aussi avoir en 1515, puis de 1530 à 1535, une importante foire de change. Cependant, Genève reste un important lieu de production de monnaie signe que son importance économique reste forte même avec la concurrence de Lyon.

Teston d'argent du duc de Savoie Charles 1er frappé à Genève

Teston d'argent du duc de Savoie Charles 1er frappé à Genève

Sous Philibert II, un autre atelier va naître, celui de Montluel. Cette ville, au porte de Lyon, va connaître au début du XVI e siècle, un essor économique important. En 1512, cette ville va accueillir la foire de change des génois qui ne peut plus se tenir à Lyon. Bourg-en-Bresse reste pendant cette période, une ville importante. Et l'on comprend la construction d'une nouvellecollégiale ainsi que du mausolée de Brou.

Avec Emmanuel Philibert, le duché de Savoie commence à changer de physionomie pour plusieurs raisons. Les voies commerciales délaissent la voie terrestre pour la voie maritime et les villes de Lyon et Genève subissent un contre-coup économique. Le duché de Savoie, après la perte du pays de Vaud et Genève, se ressert sur Turin. Les nouveaux ateliers monétaires sont Asti (nouvelle acquisition), Aoste, Verceil et surtout Nice qui est l'objet de toutes les attentions de la part du duc de Savoie. Les ateliers d'Aoste, Nice et Verceil, avaient émergé lors de l'occupation de la Savoie par les français et les bernois entre 1536 et 1559. C'était les seules places que le duc de Savoie possédait encore pendant cette occupation.

Montluel a été une des grande ville de Savoie et un atelier monétaire. Ici, reste du portail de l'église paroissiale Saint Etienne

Montluel a été une des grande ville de Savoie et un atelier monétaire. Ici, reste du portail de l'église paroissiale Saint Etienne

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