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Flanerie-historique-dans-l-ancien-duche-de-Savoie.over-blog.com

Les articles proposent une flanerie historique dans les anciennes terres des ducs de Savoie, c'est à dire l'Ain actuel, les départements de Savoie et de haute Savoie, les Alpes Maritimes, le Piémont et la Suisse romande. L'objectif est de faire coincider l'histoire et le patrimoine existant

Humbert le bâtard ou le chevalier idéal

le château de Chenaux à Estavayer (Photo E. Coux)

le château de Chenaux à Estavayer (Photo E. Coux)

Humbert est né en 1377. C'était le fils du comte rouge et de Françoise Arnaud, une roturière (ou plutôt une personne de petite noblesse) de Bourg en Bresse (Ain actuel) donc le demi-frère ainé de 5 ans du comte/duc de Savoie Amédée VIII. Son importante œuvre édilitaire que ce soit sa résidence de Chenaux à Estavayer ou ses différentes fondations religieuses  nous conduisent à nous intéresser à lui. Cette curiosité est d'autant renforcée que c'est  à première vue un personnage secondaire de la Maison de Savoie puisqu'il n'est ni comte, ni même un fils légitime mais un bâtard.

 

Le duché de Savoie avait atteint à cette époque une apogée. Il semblait important de ce fait de voir dans quelle mesure, il a accompagné son frère et quel a été son rôle dans l'ascension prodigieuse de la principauté savoyarde. En effet, une rapide lecture de sa biographie nous apprend qu'il fut auréolé de la gloire d'une croisade. Nous le voyons aussi dans tous les événements majeurs de la principauté au côté de son frère, que ce soit l'élévation d'Amédée VIII en tant que duc ou l'aventure pontificale d'Amédée VIII.

 

Nous ferons dans un premier temps l'énumération de ses possessions pour voir, à travers son apanage, le rôle dans la principauté de Savoie qui était dévolu à ce bâtard. Puis dans un deuxième temps, nous essayerons de comprendre sa politique et ses ambitions aux travers de ses fondations religieuses.

 

Tout d'abord, il est important de signaler que ce fut pour la famille de sa mère qui était roturière (ou de petite noblesse), une occasion d'élévation sociale. Ses cousins seront ses hommes de confiance et joueront un grand rôle à la cour du bâtard. Puis nous pouvons aussi parler du prénom d'  « Humbert » qui vient à l'origine d'Humbert aux Blanches mains. Ce nom était devenu au XIV e siècle, le nom des grands bâtards de Savoie. Il y a ainsi donc d'autres Humbert Bâtards de Savoie comme ceux qui ont donné la lignée des seigneurs d'Arvillard, bâtards issus d'Aymon de Savoie. Le fils d'Humbert le bâtard seigneur d'Arvillard s'appelle aussi Humbert et est contemporain d'Humbert fils du comte Rouge, ce qui peut aussi amener à des confusions

Château de Cheneau à Estavayer sur le bord du lac de Neuchâtel (photo E. Coux)

Château de Cheneau à Estavayer sur le bord du lac de Neuchâtel (photo E. Coux)

Dès 1393-1394, les premiers comptes de châtellenie de Cudrefin et Grandcour près du lac de Neuchâtel montrent que ses revenus sont utilisés pour son train de vie. Ces châtellenies venaient d'avoir été confisquées à Othon de Grandson qui était accusé d'avoir contribué à l'empoisonnement du comte rouge (et qui mourra lors du duel qui le confronte à Gérard d'Estavayer en 1397 à Bourg-en-Bresse).

 

En 1396, Humbert partit à la grande croisade initiée par Sigismond qui se terminera au désastre de Nicopolis. Il sera fait prisonnier par les Turcs et c'est probablement là, au contacte avec la culture musulmane qu'il tirera sa curieuse devise « Ala Hac », ce qui veut dire, « Dieu est grand » en arabe. Si cette devise met en avant sa participation à la croisade de Sigismond et donc à son esprit chevaleresque, elle peut aussi laisser à penser à une conversion secrète. Le but de cette devise reste un mystère qui est encore loin d'être résolu. Il ne sera libéré qu'en 1402. En effet cette année là, les armées du sultan ottoman avaient été battues par les mongols et le comte de Savoie pu rachetter son demi-frère.

Blason d'Humbert le bâtard à Hautecombe (Photo E. Coux)

Blason d'Humbert le bâtard à Hautecombe (Photo E. Coux)

En plus des châtellenies de Cudrefin et Grandcour, Humbert reçu en 1403 la châtellenie de Cerlier. Cerlier, en allemand Erlach, est sur la partie Sud du lac de Bienne. C'est la châtellenie la plus septentrionale du comté de Savoie. Elle est composée des villages de Cerlier bien-sûr, mais aussi Vinelz, Tschugg, Mullen, Champion, Brüttelen, Gäserz, Anet, Lüscherz, Finsterhennen, Müntschemier, Treiten. Deux établissements ecclésiastiques partagent sur son territoire : l'abbaye Saint Jean d'Erlach (ou de Cerlier) et le prieuré clunisien de l'ïle Saint Pierre (de Cerlier).

 

Humbert, dans cette partie de sa vie, a logé dans le château de Morat (Murten) sans pour autant en toucher les revenus. Morat est une ville neuve qui a été fondée par Berthold IV de Zärhingen en 1177 et qui est devenu savoyarde avec Pierre II de Savoie. Morat était le chef lieue d'une vaste châtellenie qui allait au Nord, presque jusqu'à l'Aar. Donc aussi une des châtellenies les plus septentrionales du comté de Savoie (elle comprenait entre autre Meyriez, Courgevaux, Salvagny-Savenach, Fräschels-Frasses, le Vully, Kerzers-Chiètres, Champagny- Gempenach). Mais le châtelain précédent, Raoul de Pougny, créancier du comte de Savoie, n'avait pas encore recouvré sa créance et ne voulait donc pas se séparer de la gestion de cette châtellenie. Cette châtellenie avait aussi le prieuré clunisien de Villars les Moines (Munchenwiler qui est aujourd'hui une enclave bernoise)

Château de Morat (Murten) qui a été une demeure d'Humbert de Savoie.

Château de Morat (Murten) qui a été une demeure d'Humbert de Savoie.

En 1406, la châtellenie de Cerlier est inféodée à Jean III de Châlon, prince d'Orange. Cette inféodation ressemble à un recul de la Maison de Savoie sur ces limites Nord même si cela reste une inféodation. Cette inféodation fut surtout un échange avec Jean III de Châlon d'Arlay contre la promesse de ne plus revendiquer le comté de Genève qui avait été acheté par Amédée VIII en 1401.

Ce recul se poursuivra en 1423 par la vente de la châtellenie de Grasbourg à Berne et Fribourg. En échange de Cerlier, Humbert reçut les châtellenies de Montagny-les-Monts et de Corbière près de Gruyère. La châtellenie de Montagny entra dans la Maison de Savoie suite à l'extinction de la famille homonyme. La châtellenie de Corbière, elle, fut aussi une châtellenie de frontière (surtout après la cession de Grasbourg), près des possessions du comte de Gruyère et de Fribourg (elle comprenait Hauteville, Corbières et Villarvolard, Charmey, Bellegarde et la Valsainte ou se trouvait une chartreuse). .

 

Il semble aussi avoir acquis entre 1403 et 1410, une partie de la seigneurie de Molière. Il y a encore à la Molière une grande tour qui a la particularité d'avoir la plus belle vue sur le pays de Vaud aussi bien sur le bassin lémanique que le bassin neuchâtelois. Le château de Molière bien qu'inféodé par Humbert à son neveu Antoine Anglais (ou Angleis), fit le retour à la couronne de Savoie par un échange avec la seigneurie de Saint Aubin dans la châtellenie de Grandcour à cause de l'intérêt stratégique de cette tour. 

Cudrefin, une des châtellenie d'Humbert sur le lac de Neuchâtel (Photo E. Coux)

Cudrefin, une des châtellenie d'Humbert sur le lac de Neuchâtel (Photo E. Coux)

L'historien Guido Castelnuovo a fait une remarque importante sur les possessions du grand bâtard : celles-ci ont été construites à partir du démembrement des grandes dynasties vaudoises comme celle des Grandson et des Montagny ou de la faiblesse de ces dynasties comme celle des Gruyère. Cette construction territoriale a donc été la manifestation et un aspect de la mutation de l'état savoyard qui d'un état féodal se transforma en état moderne.

 

Humbert jouera aussi un grand rôle de 1414 à 1416 pour l'obtention du titre ducal pour son demi-frère grâce aux liens qu'il avait eu auprès de l'Empereur. Cela reflète la place qu'il tient dans l'entourage ducal : ce fut un conseiller très proche du duc. Il avait aussi le rôle d'ambassadeur plénipotentiaire dans plusieurs importantes ambassades.

 

En 1421, il reçut la châtellenie d'Estavayer au bord du lac de Neuchâtel ce qui permis de créer un ensemble assez important sur la rive Sud-Est de ce lac. En 1432, il racheta le château de Chenaux, le reconstruisit et en ait sa résidence principale. C'est à lui que l'on doit la barbacane d'entrée et la première utilisation de la brique dans le château. C'est peut être aussi à cette époque que l'on peut situer ses mécénats dans la reconstruction de l'église des Dominicaines d'Estavayer et l'église paroissiale de Cudrefin. Cette dernière est l'église du Montet à quelques kilomètres de cette ville. Cudrefin fut une ville neuve fondée par Pierre II. Comme la plupart des villes neuves, elle ne possèdaient pas d'églises paroissiales dans le centre de son bourg. L'église paroissiale est toujours celle du territoire dans lequel a été fondé la ville. Pour Cudrefin, c'est l'église de Montet, hameau qui provient surement d'une ancienne villa romaine.

Eglise du Montet près de Cuderfin où se trouve les armes d'Humbert dans l'église (Photo E. Coux)

Eglise du Montet près de Cuderfin où se trouve les armes d'Humbert dans l'église (Photo E. Coux)

En 1439, l'apanage d'Humbert est élevé en comté par le duc Amédée VIII. Romont est alors le nom du comté et Humbert semble avoir fondé une chapelle sous le vocable de Saint Maurice dans l'église paroissiale de la ville. Cela ressemble à un transfert du centre de l'apanage vers l'Est. Cela peut s'expliquer par l'élection d'Amédée VIII à la papauté lors du concile de Bâle et son transfert dans cette ville. Les territoires, entre cette ville et le duché de Savoie, prennent alors une importance extraordinaire. En effet, en cas de trouble ou de danger, le duc-Pape devait pouvoir compter sur de rapides renforts venant de la Savoie ; donc que le libre passage entre la Savoie et la ville de Bâle soit assuré. Et c'est aussi encore mieux si il pouvait compter sur l'aide des villes entre la Savoie et Bâle, c'est à dire Fribourg, Berne et Soleure. De ce fait, les territoires septentrionaux du duché de Savoie prennent une importance exceptionnelle et cela explique la création spécifique d'un comté de Romont confié au demi-frère du Pape.

Château de Romont. Humbert devint comte de Romont en 1439 (Photo E. Coux)

Château de Romont. Humbert devint comte de Romont en 1439 (Photo E. Coux)

La mort d'Humbert en 1443 peut aussi expliquer le retour de Félix V sur ses terres et le transfert d'une partie du concile et du Pape de Bâle à Lausanne. En 1442, Humbert, qui était plus âgé qu'Amédée VIII, devait déjà être malade et ne plus être capable d'assurer une protection efficace au souverain pontife. Cet éloignement de la ville conciliaire et la division du concile est une des causes qui n'a jamais été invoquée de l'échec de Félix V face au pape de Rome. C'est à cette époque que le pape perd les obédiences de l'Aragon et de Milan qui étaient ses soutiens les plus stratégiques.

 

Humbert va se faire enterrer dans l'église des dominicaines d'Estavayer qu'il va faire restaurer. Cependant, le grand bâtard, dans ses testaments et au travers de ses fondations, avait émis plusieurs choix de lieux de sépultures. A cette époque, ces choix étaient importants puisqu'ils étaient aussi politiques. L'historien Guido Castelnuovo a montré que les choix d'Hautecombe, de Lausanne et d'Estavayer représentaient trois espaces où le comte de Romont avait une grande influence. Le choix d'Estavayer est évidement lié à celui de son apanage et de sa résidence de Chenaux à Estavayer. Nous pouvons cependant nous demander pourquoi il n'a pas choisi Romont qui était devenu, après 1439 l'emblème de ses possessions ? D'autant qu'il avait fondé une chapelle dans l'église paroissiale de la ville sous le vocable de Saint Maurice.

Porte de la ville d'Estavayer et couvent des dominicaines de cette ville (Photo E. Coux)

Porte de la ville d'Estavayer et couvent des dominicaines de cette ville (Photo E. Coux)

Le second choix de sépulture du Grand Bâtard, Hautecombe a été avant tout celui de se rattacher à la dynastie humbertienne. Amédée VIII par exemple, encore à son époque, souhaitait se faire enterrer à Hautecombe (bien qu'il destinait son cœur à Ripaille près de Thonon). Mais sa bâtardise l'empêcha de rejoindre le caveau familiale, celui qui fut construit par son aïeul le comte Aymon de Savoie. Il construira donc une chapelle sur le côté Nord de l'abbatiale en 1421.

 

Elle aurait été consacrée à la vierge Marie, à Saint Maurice et à Saint Jacques. Les deux premiers vocables montrent sa volonté de se rattacher à la dynastie et le troisième, plus curieux semble rappeler sa croisade (qui était vu comme un pèlerinage). La chapelle fut détruite mais l'église d'Hautecombe conserve encore une pierre avec ses armes ainsi qu'un morceau de gisant très dégradé. Ce gisant qui a été déssiné par Guichenon avant 1650 montre le bâtard portant les Ordres du Collier et du Dragon. Cependant, une croix de Saint Maurice révèle qu'il souhaitait aussi devenir chevalier de cette Ordre. Cette statue serait donc peut être postérieur à 1434, époque où il est devenu chevalier des Ordres du Collier et du Dragon. Cela signifie que des aménagements avaient encore lieu vers 1434 soit 13 ans après sa fondation, preuve qu'il était attaché à ce lieu. C'était donc une fondation luxueuse ; une façon de faire contrepoids à son défaut de naissance.

Abbaye d'Hautecombe (Photo E. Coux)

Abbaye d'Hautecombe (Photo E. Coux)

Enfin, le choix de la cathédrale de Lausanne s'explique par le fait que c'est d'abord un centre prestigieux, celui du diocèse de Lausanne dont dépend son apanage mais aussi celui des grandes villes de Fribourg et Berne. La cathédrale est un des édifice religieux les plus grands sinon le plus grand de tous l'ensemble formant les états de Savoie au XV e siècle. C'est aussi là où se réfugiera le concile de Bâle et Félix V après 1443. Mais c'est surtout, comme l'a démontré l'historien Guido Castelnuovo, une partie d'un espace compris dans un triangle formé de Lausanne, Morges, Thonon ; Espace qui était centre de l'état savoyard à l'époque d'Amédée VIII. Le château de Morges servit fréquemment de lieu de résidence comme celui de Thonon et enfin Ripaille. Lausanne fut aussi un lieu très important comme grande ville mais aussi comme centre religieux. Amédée VI avait faire refaire presque entièrement le couvent des franciscains de la ville ; couvent qui devait servir de résidence à la famille ducale lorsqu'elle était dans cette ville.

 

La Maison de Savoie avait toujours porté un grand et pieux intérêt à la cathédrale de Lausanne comme le montre le nombre de dons à celle-ci. Il y avait aussi dans cette cathédrale, un grand et célèbre pèlerinage à la Vierge noire. Humbert fonda donc dans cette cathédrale avant 1426 sa chapelle et un autel. Le vocable à la Sainte Vierge marquait là aussi une volonté de se placer dans la lignée des Princes de Savoie. Le vocable de Saint Anne est plus problématique. Il pourrait signaler que cette chapelle a été une récupération d'une ancienne fondation sous le vocable de Saint Anne. Cette récupération est aussi peut être aussi dû à son emplacement : dans le côté chœur du jubé et surtout près de la chapelle dédié à la vierge noire du célèbre pèlerinage ; donc un emplacement spirituellement stratégique. Elle était séparée du chœur par une grille en fer fermée à clef.

Le château de Morges fut une résidence de la cour de Savoie au temps d'Amédée VIII (Photo E. Coux)

Le château de Morges fut une résidence de la cour de Savoie au temps d'Amédée VIII (Photo E. Coux)

C'est aussi une fondation généreuse avec au moins 1400 florins et les quatre chanoines qui disaient la messe à tour de rôle pendant la semaine et qui étaient payés pour cela 60 florins chacun. Il y avait aussi dans cette chapelle, tout un ornement liturgique dont deux missels, un calice d'argent et une chasuble de velours. L'autel était ornée d'une statue en bois de Marie et l'enfant Jésus.

 

Le choix de la cathédrale pouvait aussi être vu comme le prémisse d'un changement de stratégie dans la tradition des sépultures de la Maison de Savoie. En effet, le fils d'Amédée VIII, Louis de Savoie, allait être le premier à ne pas vouloir se faire enterrer à Hautecombe et à construire un autre mausolée familiale, à Genève dans la couvent de Rive. Ce choix révèle un changement claire dans la politique d'inhumation de la dynastie savoyarde, celui de choisir des lieu urbains qui ont été ceux qui ont accueilli aussi la cour et le souverain vivant. Le couvent de Rive a été un des principaux lieux de vie du duc Louis.

la chapelle se situait sur le jubé maintenant détruit de la cathédrale de Lausanne (Photo E. Coux)

la chapelle se situait sur le jubé maintenant détruit de la cathédrale de Lausanne (Photo E. Coux)

Cette hésitation entre Hautecombe et Lausanne montre donc une mutation en cours qui se réalisera seulement avec le duc suivant. 

 

Une dernière chapelle a été fondée par le grand bâtard dans l'abbatiale de la chartreuse de Pierre-Châtel. Là aussi, Humbert suit ou préfigure les choix de son demi-frère qui avait été le soutien à cette chartreuse et l'accroissement du prestige de l'ordre du collier qui reçoit des statuts en 1409. En 1434, il devient lui-même un chevalier de l'ordre du collier. Honneur qu'il cumule avec celui du prestigieux Ordre du dragon qui avait été fondé par le roi de Hongrie Sigismond, en 1408, bien après sa croisade à Nicopolis mais dans le même but. Il dû recevoir cette distinction entre 1431, date où l'Ordre est étendu à d'autres grands nobles d'Europe et 1437, l'année de la mort de l'Empereur. Peut être en 1434 qui est l'année où le bailli de Vaud reçoit aussi  cette distinction.  Cette année est aussi l'année de l'augmentation des statuts de l'Ordre du Collier et aussi celle de la fondation de l'Ordre de Saint Maurice Par Amédée VIII à Ripaille.

 

Cette chapelle est aussi pour le grand bâtard, une façon évidente de se rattacher à la dynastie familiale ; à une tradition de croisade dans laquelle il s'identifie. En effet, Pierre-Châtel a été fondé par le comte Amédée VI pour perpétrer le souvenir de sa croisade de 1466/67 et l'ordre du Collier qui a été créé pour cette occasion. Dans le même ordre d'idée, nous comprenons aussi la devise du comte de Romont (Ala hac) qui rappelait que celui-ci avait fait une croisade et se situait donc dans la pure lignée familliale. Cette idée de croisade fut tellement importante que c'est elle qui ressort le mieux pour définir la Maison de Savoie dans le livre des « chroniques de Savoie » écrite par le chroniqueur Cabaret entre 1417 et 1419.

Chartreuse de Pierre-Châtel (Ain) (Photo E. Coux)

Chartreuse de Pierre-Châtel (Ain) (Photo E. Coux)

Nous pouvons enfin nous demander si, la sépulture d'Humbert à Estavayer n'a pas été voulue finalement par le duc lui-même afin de remettre le grand bâtard à sa place, c'est à dire dans son apanage. La sépulture dans un monastère de dominicaine est aussi un rappel à Amédée VIII qui favorisa la fondation de couvents dominicains. Mais cette sépulture se fait dans un couvent de moniale, moins prestigieux que les couvents d'hommes. Ce qui le remettait à sa place, c'est à dire à un niveau inférieur au duc de Savoie. En plus, si nous prenons l'historique de ce couvent (c'est un couvent qui vient de Lausanne et a émigré à Estavayer), nous voyons qu'il renforce ce caractère de niveau périphérique de la sépulture.

 

En effet, l'impression qui ressort des fondations d'Humbert est celle d'un envahissement de l'espace. Il est présent dans tous les établissements religieux importants de la Maison de Savoie : Pierre-Châtel, Hautecombe et enfin Lausanne (qui prend à cette époque une grande importance). Nous le voyons partout, sauf dans l'actuelle Sainte Chapelle du château de Chambéry. La raison en est que cette chapelle a été fondée par son demi-frère Amédée VIII et est donc trop nouvelle pour représenter la dynastie de Savoie. De plus, par son rappel aux Saintes chapelles de Bourges et de Paris, elle montre l'ascendance d'Amédée VIII du côté de sa mère Bonne de Berry, lignée dont ne fait justement pas partie Humbert.

 

La place, l'âge (Humbert était l'ainé d'Amédée VIII) et le prestige de chevalier d'Humbert le bâtard ne laissait à Amédée VIII finalement que la place de religieux ; ce qui peut expliquer en partie, la mutation du duc en Pape ; et ce qui a pu aussi amener son neveu Louis à être un duc-moine.

Eglise de Romont (Photo E. Coux)

Eglise de Romont (Photo E. Coux)

Conclusion :

 

La vie d'humbert le bâtard nous rappelle surtout au travers son apanage, l'importance des châtellenies septentrionales du duché de Savoie ; importance qui sera encore accrue pendant la période du concile de Bâle (1431-1449) et qui deviendra cruciale quand Amédée VIII sera élu pape à partir de 1439. Là, son rôle prend une importance majeure et se concrétise par l'élévation de son apanage en comté.

 

Seulement, sa gloire en tant que croisé et sa place en tant qu'ainé, vont faire de lui une figure importante. Il va donc essayer de s'inscrire durablement dans la dynastie savoyarde malgré son handicape de naissance (sa bâtardise) en fondant des chapelles dans tous les édifices religieux prestigieux de la dynastie sauf bien sûr l'actuelle Sainte Chapelle du château de Chambéry. Il s'inscrit beaucoup plus dans la continuité de l'image guerrière d'Amédée VI et d'Amédée VII que son frère Amédée VIII.

 

Nous pouvons aussi nous poser la question de la mutation de la dynastie de Savoie qui commence, à partir d'Amédée VIII à s'imposer comme souveraine d'un état de plus en plus grand, c'est à dire en cumulant le vicariat impérial et plus tard l'indult pontifical. Donc de l'image même de cette dynastie qui va délaisser le rôle simplement guerrier du chef politique pour englober une souveraineté plus vaste dans une conception de l'état plus moderne.

Château d'Estavayer (Photo E. Coux)

Château d'Estavayer (Photo E. Coux)

carte du duché de Savoie vers 1430

carte du duché de Savoie vers 1430

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